Genèse de Mad (2/3)

Je vous ai raconté dans l’épisode précédent comment l’idée de Mad était née. Mais je vous ai peu dit de quoi ce roman parlait.

Madeleine est une artiste de 53 ans qui vit en ville, qui a réussi mais qui ne sent pas à sa place. Dans ce monde d’apparence, elle cherche du sens. Quand on lui parle de succès et d’argent, elle s’enfuit en courant. Elle préférerait vivre d’amour. Elle se sent différente, un peu folle. Son diminutif de « Mad » lui colle à la peau. Alors, dépitée et en colère, elle plaque tout pour se réfugier à la campagne.

Je vous l’avouais déjà précédemment, il y a beaucoup de moi en Mad. Je m’intéresse à l’art et à l’amour avant la reconnaissance et l’argent. Je voudrais tant réconcilier ces notions et je me sens en colère quand la majorité de la société va dans l’autre sens. Je me suis souvent senti à part. Alors pour ne devenir ni fou ni dépité, j’écris et je réponds tant que je peux à l’appel de la nature.

J’ai grandi dans une campagne aseptisée où vivaient plus de chômeurs et d’employés que de fermiers. Et, la seule ferme du coin, je ne lui connaissais comme activités que la vente d’œufs et l’épandage de pesticides qui obligeait à fermer les fenêtres de la maison. Je voulais que Mad soit confrontée à cela : un monde inconnu et hostile, là où elle espérait un paradis perdu. Et je suis allé en repérage plusieurs jours dans une ferme pour observer ce que mon personnage allait découvrir : la traite des vaches, la fabrication du fromage et la rudesse de la vie quotidienne.

Ce fut un choc pour moi comme pour elle. Ce métier est ingrat, dévalorisé et soumis aux mêmes contraintes que ceux des villes : la course à la technologie et à la rentabilité. À mes yeux, ce n’est pas pour rien si on parle d’exploitation agricole. La terre et les bêtes y sont pressées et contraintes, même si le moteur premier est encore l’amour de la nature. Ce dilemme, c’est celui que vit le personnage de Jean, le fermier dont Mad deviendra la voisine (et plus si affinités !).

J’aime aussi depuis longtemps les longues balades en forêt. Savoir que de grands animaux sauvages y vivent invisibles à nos yeux me fascine. Je me souviens d’une scène cocasse où avec des amis nous nous étions mis en quête d’observer des sangliers et où après une longue attente tout le monde avait pu admirer une famille passer au trot, sauf moi qui avais entrepris d’escalader un promontoire pour mieux les voir arriver ! Raté ! Alors, j’ai installé Mad à l’orée des bois et je l’ai poussée à les explorer pour le pire et le meilleur.

Parce que par chez nous, il n’y a plus beaucoup de forêts où on est vraiment seul. C’est aussi un terrain de jeu pour plein de personnes, dont les amateurs de moteurs vrombissants et de boue. Comment Mad pouvait-elle cohabiter avec des quads ? Et c’est le rendez-vous des chasseurs. Comment Mad pouvait-elle ignorer cela ? Comment, elle qui déteste la violence, allait-elle gérer sa colère face à ces agresseurs ? Ça, c’était le défi que je lançais à l’auteur engagé que je veux être !

L’acte créatif est un excellent moyen de partager des émotions, d’apprendre à les reconnaître, d’en avoir conscience. Je voulais que Mad ait cette corde à son arc. Alors, parce qu’elle se débat avec son monde intérieur, parce que je voulais qu’elle exerce un autre art que moi et parce que je cherchais quelque chose de très visuel (le cinéma de Bouli Lanners était toujours dans un coin de ma tête quand j’écrivais), j’ai choisi qu’elle soit peintre. J’ai beaucoup d’amis dessinateurs, j’adore leur capacité à donner formes à des mondes. Mad leur doit ce don et dessine la nature et les humains dans leur plus simple appareil.

J’avais lu cette idée séduisante chez Nancy Huston qui fait le pari que si les adolescents avaient des cours de croquis nus mixtes à l’école, les hommes et les femmes se connaîtraient mieux. Alors je lui ai écrit pour lui demander l’autorisation d’utiliser cette idée dans mon roman. Elle a eu la gentillesse de me répondre et l’intelligence de m’encourager : les scientifiques doivent tenir compte des idées des autres, les écrivains doivent s’en inspirer et se les approprier. J’ai donc foncé ! Je ne vous révèle pas comment j’ai intégré ce concept à mon roman : j’espère vous avoir donné envie de le découvrir par vous-même !

Découvrez la suite de la création de Mad par ici !